El artista ginebrino Yuval Dishon y su compañía Zanco invitan a
perseguir al autor de culto de "Ficciones" en las bibliotecas
En este lugar del mundo, bajo ese cielo nocturno, solo podía
haber él. Fue la otra noche en Cologny (GE), en la Fundación Bodmer, este
libro, el paraíso. Jorge Luis Borges, su delgadez como escritor, su elegancia
como notario, cuidaba los tesoros de la casa, la sabiduría del alba, el
testamento de un poeta. En el salón, había una treintena de espectadores
intrigados, listos para seguir al autor del Libro de Arena, sus gafas ciegas y
su bastón hasta el final de sus quimeras.
Esta brujería, se lo debemos a la compañía de Ginebra Zanco
y su director Yuval Dishon. Han estado trabajando durante doce años, en los
parques, los bosques, los sitios de construcción de nuestras ciudades,
principalmente en Ginebra, Lausana y La Chaux-de-Fonds a veces. Sus variaciones
de Borges se basan en el espíritu del lugar: es el sello distintivo de la
compañía. En la Fundación Bodmer, antes de la Biblioteca de la Unión este
viernes, acompañamos a este Borges, un títere en verdad.
La bestia emerge del libro.
igues al mago? Bajamos por una escalera, hacia otra cripta
donde duermen las letras de Ferdinand Hodler, y allí, allí, un poema del propio
Borges. Delante de ti, se abre un libro: sale una página extendida, luego una
ola de papel, un vestido también con una joven envuelta. Y luego, en este mar
de libros, se alza un bote infantil. El capitán Ahab truena, a raíz de Moby
Dick. En un momento, aparecerá la bestia, llevada con los dedos por un
titiritero.
El hombre frente a sus monstruos. Esta es la línea de
flotación de las variaciones de Borges, un sueño musical que gana fuerza al
desplegar sus tentáculos. En la última estación, este hombre-libros (Borges
dirigió la Biblioteca de Buenos Aires) toca una vieja máquina, manipulada por
una tierna actriz como Maria Kodama, la mujer de su vida, tal vez. En el fondo,
de repente, un esqueleto, una muerte, sin duda, desafía a un anciano en el
ajedrez.
Le théâtre ensorcelé
de Borges à Genève
L’artiste genevois Yuval Dishon et sa compagnie Zanco
invitent à poursuivre l’auteur culte de «Fictions» dans les bibliothèques
A cet endroit-là du monde, sous ce ciel de nuit pleureuse,
il ne pouvait y avoir que lui. C’était l’autre soir à Cologny (GE), à la
Fondation Bodmer, ce paradis du livre. Jorge Luis Borges, sa maigreur de
scribe, son élégance de notaire, veillait sur les trésors de la maison, la
sagesse de l’aube, le testament d’un poète. Dans la salle, on était une
trentaine de spectateurs intrigués, prêts à suivre l’auteur du Livre de sable,
ses lunettes d’aveugle et sa canne jusqu’au bout de leurs chimères.
Cette sorcellerie, on la doit à la compagnie genevoise Zanco
et à son metteur en scène Yuval Dishon. Ils œuvrent depuis douze ans, dans les
parcs, les bois, les chantiers de nos villes, principalement à Genève, à
Lausanne et à La Chaux-de-Fonds parfois. Leur Borges Variations puise dans
l’esprit des lieux – c’est la marque de fabrique de la troupe. A la Fondation
Bodmer – avant la Bibliothèque de la Jonction ce vendredi – on escorte donc ce
Borges, une marionnette en vérité.
La bête surgie du
livre
Vous suivez le mage? On descend un escalier, en direction
d’une autre crypte où sommeillent les lettres de Ferdinand Hodler, et tiens,
là, un poème de Borges lui-même. Devant vous, un livre s’ouvre: s’en évade une
page à rallonge, bientôt une vague de papier, une robe aussi dans laquelle
s’enroule une demoiselle. Et puis voilà que sur cette mer livresque se cabre un
bateau enfantin. Le capitaine Achab tonne, dans le sillage de Moby Dick. Dans
un instant, la bête apparaîtra, portée du bout des doigts par un
marionnettiste.
L’homme face à ses monstres. Telle est la ligne de
flottaison de Borges Variations, ce songe musical qui gagne en force à mesure
qu’il déploie ses tentacules. A la dernière station, cet homme-livres – Borges
a dirigé la Bibliothèque de Buenos Aires – tape sur une vieille machine,
manipulé par une comédienne tendre comme Maria Kodama, la femme de sa vie
peut-être. Au second plan, soudain, un escogriffe squelettique, la mort sans
doute, défie un vieillard aux échecs.
Fuente: Le Temps
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